Initiée en 2013, la réforme des temps scolaires s’est mise en place de manière généralisée depuis la rentrée 2014. Elle vise à répartir l’enseignement sur 5 matinées et 4 après-midis, afin que l’attention des enfants soit optimale pour acquérir les savoirs de base. Elle libère également du temps dans la journée, ce qui permet de proposer des activités visant à « favoriser le développement personnel de l’enfant, de sa sensibilité et de ses aptitudes intellectuelles et physiques, son épanouissement et son implication dans la vie en collectivité. » (extrait de la circulaire N°2013-036). Ici, les centres socioculturels ont toute leur place!
Les communes se sont vues confier l’organisation de la mise en place de ces Temps d’Activités Périscolaires, dits TAP. Certaines ont fait appel à des professionnels de l’animation.
Premiers retours d’expériences avec trois des structures du réseau de la Fédération des Centres socioculturels de la Vienne.
Dès le printemps 2013, à l’initiative des communes, les parents d’élèves, les enseignants et le centre socioculturel La Case à Vouillé se sont mis autour de la table pour engager une réflexion. Claire Pain, la responsable enfance, est chargée de coordonner le dispositif pour les cinq communes du territoire (sur les 13 que compte la Communauté de communes du Pays Vouglaisien) qui ont souhaités être accompagnées par le centre socioculturel.
Trouver des intervenants, élaborer les emplois du temps, équilibrer les budgets, faire travailler ensemble les différents partenaires, sans oublier ce qui est au cœur de son métier : « le bien-être de l’enfant », représente pour Claire l’équivalent d’un mi-temps de travail centré sur le dispositif. La tâche est prenante, mais passionnante. «Le travail avec les enseignants est une chose nouvelle pour nous, professionnels issus de l’éducation populaire, explique Claire. Nous apprenons à nous connaître. Quand les enseignants sont coopérants, ça se passe formidablement bien. Ils nous accueillent dans leur classe pour présenter les projets et nous proposent des idées. Mais certains enseignants sont plus réservés, comme si nous cristallisions leur amertume sur une réforme qui les dérange.»
Parmi les propositions issues du monde enseignant, le projet « lectures étonnantes » vise à faire passer aux enfants des moments de lecture-plaisir…avec un grand succès.
Selon les communes, les TAP peuvent avoir lieu à la pause méridienne, comme à Vouillé, ou après l’école, dans la majorité des cas. N’ayant aucun caractère obligatoire mais se déroulant sur inscription, la finalité des TAP est quelque peu différente selon l’heure de la journée. En fin de journée, ils représentent aussi un mode de garde pour les parents qui travaillent. À la pause méridienne, les enfants eux-mêmes choisissent d’aller en activité ou de rester en récréation. Une différence sensible en matière de motivation !
Les intervenants peuvent être salariés par La Case (découverte de la musique, accrogym…), mis à disposition par des associations partenaires (volley), ou encore bénévoles. Les parents qui le souhaitent peuvent proposer une intervention, pour une heure ou plus. Ainsi, ces passionnés font partager aux enfants leur connaissance de l’archéologie, des coiffes indiennes, des jeux anciens, du jardinage, de l’Angleterre…Ils sont accompagnés pour cela d’un animateur. La gratuité des TAP est une volonté forte des collectivités locales.
Un peu plus au sud du département, sur la commune de Saint-Maurice-la-Clouère, la mise en place des TAP s’est effectuée un peu plus difficilement. Directrice de Mille Bulles – Espace de vie locale, Mary Fraudeau regrette que son association n’ait pas été associée dès le départ à la réflexion autour des rythmes scolaires et que les communes du territoire n’arrivent pas à mutualiser leurs actions. Selon elle : «cela répondrait complètement à nos missions, en tant que centre de loisirs intercommunal, que de proposer des actions sur l’ensemble du territoire…nous en avons les compétences.»
Les nouveaux rythmes scolaires ont été testés dès la rentrée 2013 sur la commune de Saint-Maurice. La rentrée 2014 a déjà permis de faire quelques ajustements. Le maire, Michel Pain, remarque la grande diminution des activités encadrées par des bénévoles par rapport à l’année dernière. Parmi les difficultés rencontrées en 2013 : le manque de concentration des enfants et un souci de discipline pendant les TAP, décourageant notablement les bénévoles et certains intervenants. Cette année, un système de chartes a été mis en place : la charte de l’animateur et celle de l’enfant. Les intervenants en sont plutôt satisfaits.
« Il faut une vraie volonté politique pour offrir des activités de qualité aux enfants, ajoute Michel Pain. Il faut être prêt à y mettre les moyens… » La gratuité pour les familles a été choisie par la commune.
Mille Bulles participe aux TAP en mettant à disposition une animatrice diplômée, trois fois par semaine. Lors des ateliers, les enfants du primaire réalisent des créations manuelles, sur un thème qui a été soufflé par les enseignants et qui correspond au projet d’école. Cette année, il s’agit du son [mεr]. Dominique Gaïda-Courtois accueille chaque groupe-classe une heure par semaine pendant six séances et fabrique avec eux tableaux en collages, baleines en papier et autres créations marines.
Elle raconte que les enseignants et le monde associatif semblent avoir plus de facilité à travailler ensemble cette année…Les habitudes se prennent.
Immersion en milieu urbain cette fois, avec Sylvie Glasson, la responsable enfance-jeunesse de la Maison pour Tous du quartier Châteauneuf à Châtellerault. Ici, la réforme des rythmes scolaires a été prise en charge par la municipalité, comme c’est le cas dans beaucoup de villes disposant déjà d’un service compétent. La ville propose aux enfants du primaire des « Ateliers de découverte éducatifs », sur des thèmes variés, à raison d’une séance d’une heure trente par semaine. Cela se fait sur inscription et avec un tarif adapté (de 0,50 à 0,70 euros par séance).
Parallèlement, un accueil périscolaire classique est proposé. Par rapport aux petites communes, parfois en manque d’idées ou de motivation, les plus grandes villes mettent facilement en place des réflexions sur ces temps de garderie. Ainsi, Châtellerault dispose d’un panel varié d’activités (cuisine, création de marionnettes, chasse aux trésors, jeux de pistes, expression corporelle…).
La Maison pour Tous a signé un contrat local d’accompagnement à la scolarité. Chaque soir, la MPT accueille à ce titre cinquante enfants. Au-delà d’une simple aide aux devoirs, le CLAS est aussi un lieu d’apprentissage différent (ou comment apprendre à mesurer en faisant des crêpes, par exemple). Point de TAP à Châteauneuf mais un TAPS (temps d’accueil périscolaire) qui dure une heure, deux fois par semaine, géré par un animateur et ciblé cette année sur l’initiation au cirque.
Pourquoi ce TAPS ? Pour permettre aux enfants du CLAS qui ne peuvent profiter des « Ateliers de découverte éducatifs » après l’école de pratiquer aussi des activités originales.
Sylvie Glasson se félicite des bons rapports entretenus entre la MPT et les écoles voisines. Le contact passe particulièrement bien avec l’un des directeurs, qui a compris que les parents de ce quartier populaire sont souvent absents de l’école…mais pas du centre social ! Les ponts entre l’une et l’autre sont donc très intéressants à construire. Peut-être faut-il préciser que le directeur en question était professionnel de l’éducation populaire avant de rentrer dans l’éducation nationale ?
Les enjeux liés à la réforme des rythmes scolaires touchent en particulier à la coopération inédite entre les différents partenaires. Instances politiques, écoles, centres sociaux, parents d’élèves : il faut apprendre à se connaître, à mettre ses complémentarités au service de l’enfant.
Cette réforme majoritairement vécue comme « subie » par tous les acteurs doit maintenant mettre en place son rythme de croisière. Comme le souligne Claire Pain, il va falloir rapidement évaluer en toute impartialité son utilité quant aux apprentissages et à l’éveil de l’enfant.
Mais d’ores et déjà, le nouveau regard porté par les acteurs les uns sur les autres autour des questions d’éducation est un encouragement. À condition qu’il s’accompagne d’une reconnaissance mutuelle du travail de chacun.
Claire Marquis, La Chambre (de) Claire