Chantal Luque et Christian Nicole ont passé près de vingt ans dans le réseau des Centres Sociaux. L’une en tant que directrice du Toit du monde, le second au Local, tous les deux ont accumulé une belle expérience. Ils partagent leur vision de leur mission et celle de leur établissement.
Entre l’écriture du contrat de projet et le renouvellement de la convention pluriannuelle d’objectifs, Chantal Luque n’est pas encore prête à quitter son poste de directrice du Toit du monde. « On est en plein rush ! » Pourtant, après dix-neuf ans de bons et loyaux services, elle partira en septembre 2022 à la retraite, ou plutôt en reconversion vers un nouveau métier d’art thérapeute, pas si éloigné de ses fonctions actuelles : « Ici, on prend soin des publics fragiles. » Originaire de la Drôme, Chantal Luque a été animatrice dans un Centre Social à Sarcelles, puis assistante sociale pendant dix ans à l’ADAPGV de Châtellerault auprès des gens du voyage, avant d’intégrer le Toit du monde en centre-ville de Poitiers. « J’ai toujours été au service des minorités culturelles qui ne trouvent pas leur place. »
« L’utopie est nécessaire »
Dès son arrivée, elle a marché dans les pas de Georges Charbonnier, initiateur du Centre spécialisé dans l’accueil des publics précaires et migrants. « Depuis le départ, le Toit du monde est une utopie, on aborde des questions très politiques qui peuvent être remises en cause à chaque élection. Mais l’utopie est nécessaire quand on la croise avec la réalité. Elle permet d’avoir une vision au-delà des obstacles. » Une centaine de bénévoles et 27 salariés font tourner ce Centre si particulier. « La directrice s’appuie sur les politiques publiques et les remontées de terrain pour co-construire un projet. J’ai toujours travaillé en confiance avec mon équipe, tout en sachant trancher quand il le fallait. »
Le Toit du monde possède une expertise dans l’accès aux droits des migrants qu’il met au service des autres quartiers. De la même façon, Le Local accueille une population très large dans ses deux Foyers de Jeunes Travailleurs (FJT). C’est leur point commun. Mais clin d’œil de l’histoire, le directeur du Local, lui, est parti avant son homologue. Après dix-huit ans de maison, Christian Nicole a cédé la place à son bras droit. De mémoire, il retire un moment gratifiant : la création du FJT L’Amarr’HAJ. Et un autre, plus compliqué à gérer : la relation tendue entre administrateurs et salariés en 2015. « A force de dialogue, chacun a trouvé sa place. » Par sa situation géographique en centre-ville, Le Local s’est d’abord adressé à l’ensemble de la population poitevine avant de se concentrer sur son environnement direct. « C’est comme ça notamment que l’épicerie sociale a vu le jour en 2010, à Rivaud, pour les habitants du quartier. »
Besoin de convivialité
A 63 ans, Christian Nicole salue la création d’un réseau de maisons de quartier à Poitiers. « Les directeurs et directrices se réunissent aujourd’hui à la demande de la Ville mais aussi sur des thématiques précises. Les administrateurs apprécient aussi de pouvoir parler de leurs expériences entre eux. » Pour lui, les maisons de quartier ont permis d’éviter de vivre à Poitiers, en 2005, les émeutes que d’autres villes ont connues. De la même façon, leur rôle a été primordial pendant la crise du Covid. « On connaît les gens, on a pris des nouvelles des habitants du quartier pendant les confinements et on a continué avec les personnes âgées. » Christian Nicole comme Chantal Luque regrettent juste d’avoir perdu les « moments de convivialité » à cause de la sacro-sainte distanciation physique. « C’est important pour vivre ensemble. » Tous les deux espèrent reprendre les bonnes habitudes dans quelques semaines.
Crédit photo : Romain Mudrak, journaliste