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[Tribune] L’éducation populaire et l’urgence du combat démocratique

La situation actuelle du débat public en France se caractérise notamment par une polarisation simplificatrice, au nom de la lutte contre les extrêmes, les populismes ou les séparatismes. Cet appauvrissement inquiétant du débat démocratique, qui s’accompagne de tentations autoritaires, est un puissant accélérateur des phénomènes de repli sur soi et de diverses formes de radicalisations. Face à ce poison qui s’immisce, la société a plus que jamais besoin d’une démocratie vivante, d’une République laïque et d’une citoyenneté active, qui ne saurait se réduire au droit de vote.


A travers les valeurs de l’éducation populaire, des associations et des collectifs participent à ce mouvement. Ils organisent des espaces de discussion et d’action collective où des citoyennes et citoyens se rencontrent, débattent, s’impliquent pour transformer leur cadre de vie, agir sur les décisions prises à l’échelle de leur ville ou du pays et imaginer des alternatives pour la société de demain. On y parle d’éducation, de logement, d’économie, de santé, d’écologie, de discriminations ou encore d’aménagement du territoire, en partant des préoccupations et du vécu des personnes, de l’expression de leurs intérêts, de leurs envies, de leurs colères. On y vit des moments festifs et solidaires, des luttes, des débats vifs sur des sujets parfois complexes, et des réussites collectives, qui donnent chair à l’idée de fraternité.
Notre combat démocratique repose sur une vision de la citoyenneté qui ne relève pas de la seule instruction civique, mais se nourrit aussi de l’expression libre, de l’écoute, de la compréhension des désaccords, et de l’appropriation du cadre commun qui régule la vie en société. Le débat produit du commun, à partir des différences, et développe l’esprit critique par le dépassement des opinions particulières et la compréhension des enjeux plus globaux et des interdépendances. C’est un rempart au repli sur soi, au rejet, à la haine et à la violence.
Notre approche est aussi un combat pour l’égalité. Les espaces que nous organisons favorisent le développement du pouvoir politique des citoyennes et citoyens, leur prise de parole, leur dialogue avec les pouvoirs publics et leur contribution à la prise de décision. Il faut affronter sans complaisance les inégalités et les discriminations qui existent dans notre pays, reconnaître les souffrances des personnes, pointer du doigt les dysfonctionnements de nos institutions. Tout cela n’est pas désavouer la République, c’est au contraire l’entretenir et la construire ensemble.
Enfin, c’est un combat sur le temps long. La démocratie n’est pas la confrontation immédiate et stérile de points de vue individuels stéréotypés ; c’est un processus d’émancipation individuelle et collective qui contribue à réduire les fractures qui traversent la société.
L’autonomie dans l’exercice de ces démarches d’éducation populaire, garantissant une expression libre, non contrainte ou instrumentalisée, est indispensable et doit être reconnue comme telle par les pouvoirs publics. Ces espaces sont complémentaires des instances représentatives et font écho au travail mené par les enseignantes et les enseignants. Cet engagement au long cours, particulièrement fondamental auprès et avec des jeunes, nous le menons avec humilité et persévérance.
Nous en appelons, avec cette tribune, à la vigilance et à l’engagement des pouvoirs publics nationaux et locaux, des organisations politiques et syndicales, des associations, des médias et de chacune et chacun d’entre nous : ne laissons pas l’appauvrissement démocratique nous diviser encore plus. Organisons partout où cela est possible ces espaces de rencontre et de construction collective qui font vivre notre démocratie. Discutons, n’ayons pas peur des désaccords. Armons nos esprits critiques et prenons soin de nos liens.
Le défi est immense et chacune, chacun, y a sa place.
 
Organisations signataires :
la Fédération des Centres sociaux et Socioculturels de France (FCSF) ;
la Ligue des droits de l’homme (LDH) ;
ATD-Quart Monde ;
le Secours Catholique ;
les Comités régionaux des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CRAJEP) d’Occitanie, Ile-de-France, du Grand-Est, de Nouvelle Aquitaine, du Centre-Val-de-Loire et des Hauts-de-France ;
l’Union nationale pour l’habitat des jeunes (UNHAJ) ;
le Comité national de liaison des Régies de quartiers (CNLRQ) ;
Peuple et culture ;
France Nature Environnement ;
ATTAC ;
les Maisons des Jeunes et de la Culture (CMJCF et FFMJC) ;
le Collectif des associations d’éducation populaire politique ;
les Eclaireuses et éclaireurs de France ;
le Mouvement de la Paix ;
le Planning Familial ;
le Collectif des associations citoyennes ;
la coordination nationale Pas sans nous ;
Animafac ;
Aequitaz;
Les Cités d’or ;
le réseau des SCOP d’éducation populaire ;
Co-exister ;
Bleu-Blanc-Zebre ;
le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) ;
la Confédération nationale des Foyers Ruraux (CNFR) ;
la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) ;
l’Association Concordia ;
l’Union Nationale des Associations de Développement Local (UNADEL) ;
la Fédération française des clubs UNESCO ;
Alliance citoyenne ;
Alternatives pour des projets urbains ici et à l’international (APPUII) ;
Solidarités Jeunesses ;
YMCA France ;
le Réseau national des Juniors Associations (RNJA) ;
les Jeunes européens – France ;
les Associations des Ludothèques Françaises – ALF ;
la Fédération nationale des centres musicaux ruraux (CMR).
Avec le soutien du CNAJEP (Comité national des associations de jeunesse et d’éducation populaire) et de la Coalition pour les libertés associatives
Chercheuses, chercheurs et personnalités signataires :
Claude Alphandéry, Président d’honneur du Labo de l’ESS ;
Myriam Bachir, maîtresse de conférences en sciences politiques, Université de Picardie ;
Marie-Hélène Bacqué, professeure d’études urbaines, Université Paris-Ouest ;
Hélène Balazard, chercheure en sciences politiques, ENTPE, Chaire UNESCO Politiques urbaines et Citoyenneté ;
Loïc Blondiaux, professeur en sciences politiques, Université de Paris 1 ;
Jean Bourrieau, chercheur en sciences de l’éducation, LERIS ;
Marion Carrel, Professeure en sociologie, Université de Lille ;
Jean-Marie Charon, sociologue, ingénieur d’études, EHESS ;
François Dubet, professeur émérite en sociologie, Université de Bordeaux ;
Jean-Michel Fourniau, directeur de recherche en sociologie, Université Gustave Eiffel et Groupement d’intérêt scientifique Démocratie et Participation ;
Mathieu Hély, professeur en sociologie, UVSQ ;
Silyane Larcher, chargée de recherche en sciences politiques, CNRS ;
Sandra Laugier, professeure en philosophie, Université Paris 1 ;
Rémi Lefebvre, professeur en sciences politiques, Université de Lille ;
Christian Maurel, sociologue, co-animateur du collectif national “Education populaire et transformation sociale” ;
Catherine Neveu, directrice de recherches en anthropologie, CNRS;
Olivier Noël, sociologue, Université de Montpellier ;
Albert Ogien, directeur de recherches en sociologie, CNRS ;
Sébastien Pesce, professeur en sciences de l’éducation, Université d’Orléans ;
Hugues Sibille, président du Labo de l’ESS et de la Fondation du Crédit coopératif ;
Julien Talpin, chargé de recherches en sciences politiques, CNRS ;
Sophie Wahnich, directrice de recherches en histoire, CNR

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